lundi 28 novembre 2011

AFFAIRE HANS PETERSON


La Guadeloupe est-elle passée à côté du procès du siècle ?

Du 21 au 25 novembre 2011, les murs couverts de lambris en bois précieux de la Cour d'Assises de Basse-Terre ont résonné de noms et de mots familiers pour les amateurs de séries policières états-uniennes mais beaucoup plus inhabituels dans l'enceinte de l'honorable cour guadeloupéenne : Cleveland, FBI, Chicago, fuite au Mexique, New-York, Barack Obama, etc. L'affaire jugée entre ces murs étaient exceptionnelle pour bien des raisons mais déjà parce qu'elle concernait un meurtre commis en octobre 2006 à Chicago, et ce dans un déchaînement de violence qui aurait fait frémir Al Capone lui-même.


 Le dossier Peterson (photo©FG)


Un joueur de poker hors pair !

L'auteur du crime, né aux Etats-Unis d'un père de l'Oregon et d'une mère normande, s'est réfugié, après sa brève fuite au Mexique, dans la partie française de la petite île caribéenne de St Martin. Pendant sept mois, il y a coulé des jours paisibles, gagnant jusqu'à 20 000 euros par mois en jouant au poker sur internet, comme l'a révélé le reportage que Mathieu Jégo a consacré à cette affaire1. Hans Peterson selon les propres dires de l'avocat général, Camille Tardo-Dino qui requerra contre lui la perpétuité, est d'une « intelligence supérieure » : « certainement beaucoup plus intelligent que moi », concédera-t-il. Pour Jabiru, mon illustre confrère blogueur de St Martin qui a mené une longue et minutieuse enquête sur cette affaire, le jeune états-unien, présente tous les symptômes du syndrôme d'Asperger. Il exhumera d'ailleurs un texte d'Hans, laissé sur un forum consacré à cette pathologie où lui-même fait état de ces symptômes2. Ceux-ci se traduisent notamment par un autisme social prononcé et par une intelligence exceptionnelle, développée dans certains domaines spécifiques. Le choix du jeune états-unien qui a porté son dévolu sur un territoire français est tout sauf fortuit. Pouvant justifier d'avoir un de ses deux parents de nationalité française, il ne tarde pas à la demander et à l'obtenir l'obtenir aussi.


Pressions internationales

Ce faisant, il échappe à la probable exécution capitale que son pays d'origine lui aurait réservé : la France, d'une part a aboli la peine de mort en 1981 et d'autre part à la particularité de ne jamais extrader ses ressortissants. L'affaire fera d'ailleurs l'objet d'âpres discussions diplomatiques entre la France et les Etats-Unis. Un jeune et dynamique sénateur de l'Illinois, l'état où se trouve la ville de Chicago, prendra fait et cause pour la famille du docteur Cornbleet, la victime de Hans Peterson et ne lésinera pas pour tenter d'obtenir son extradition, prenant la peine d'écrire plusieurs courriers à Condolezza Rice, alors secrétaire d'état sous l'administration Bush, ainsi qu'à Bernard Kouchner, alors ministre des affaires étrangères pour la France3. Il n'en restera pas là, une fois devenu président des Etats-Unis, puisque vous l'aurez compris, ce jeune sénateur n'était autre que Barack Obama, il évoquera cette affaire qui lui tient à cœur avec Nicolas Sarkozy dès de la toute première rencontre que les deux chefs d'états auront, comme me l'a précisé l'avocat d'Hans Peterson, maître Gabriel Danchet-Gordien. Si Sarkozy n'a pas cédé, il est plus que probable que le président français aie voulu rassurer son puissant homologue sur le fait que le meurtrier serait lourdement condamné. C'est donc une affaire extraordinaire qui s'est jugée en Guadeloupe, sous le regard distant mais attentif du président de la plus puissante nation au monde, et avec les pressions internationales que je viens d'évoquer.

 Courrier adressé à Bernard Kouchner [une gracieuseté (comme on dit au Québec)du Jabiru]


Hans Peterson

Le jeune homme qui comparaît dans le box des accusés a aujourd'hui 33 ans. Les cheveux châtains, courts, les yeux bleus, absents, de longues mains diaphanes et fines comme celles d'un pianiste. On a peine à croire qu'un garçon si calme, à l'apparence si paisible et détachée puisse être l'auteur d'un tel crime. Il est né dans l'Oregon le 21 juillet 1978. Son père est docteur, comme le sera sa victime, mais spécialisé pour sa part dans l'acupuncture. Sa mère vient de St Lô en Normandie. Elle a fait le voyage pour assister au procès en compagnie de Stéphanie, la petite sœur de Hans. 

                                                 Hans Peterson (photo©FG)

Stéphanie racontera à la barre qu'ils étaient très proches en dépit de leurs quatre ans de différence, partageant la même timidité et la même difficulté à se faire des amis à l'école. L'ambiance à la maison est délétère puis Hans vit très mal le divorce de ses parents. Il sombre dans la dépression et est traité par périodes au zoloft, un antidépresseur, entre 1996 et 1999. Ses problèmes psychologiques semblent cependant s'estomper dans les trois années qui vont suivre, même s'il demeure toujours aussi introverti. Ça ne l'empêche pas de poursuivre de brillantes études de droit et de décrocher un emploi intéressant dans le milieu de la bourse. Le 23 avril 2002, il prend rendez-vous auprès d'un dermatologue pour un problème d'acné, peu important mais persistant.


Une découverte effroyable


Quatre ans plus tard, le 24 octobre 2006, Jocelyn, la fille du docteur Cornbleet, un dermatologue respecté de Chicago, fait une découverte effroyable en se rendant au cabinet de son père. Le docteur baigne littéralement dans une mare de sang. Il a été frappé de 71 coups de couteau dont au moins une quarantaine potentiellement mortels. L'assassin a fait preuve d'un acharnement et d'une barbarie inouïe, les poignets ont été entaillés jusqu'à l'os par une petite scie à métaux, des traces de chalumeau sont retrouvées sur le visage. L'assassin a donné plusieurs coups de couteau en travers de la gorge et la tête du malheureux docteur pend misérablement, quasiment arrachée. Le détective de la police de Chicago qui constatera les faits déclarera qu'en 21 ans de carrière, il n'avait jamais vu ça. Les Etats-Unis ont beau être le théâtre quotidien d'une criminalité galopante et d'une violence redoutable, le degré de haine et de barbarie exprimés à travers ce meurtre frappe les esprits, à Chicago et au-delà ! Le docteur David Cornbleet, était un praticien respecté de tous et l'argent ne semble pas avoir été le mobile du crime. 



le Dr David Cornbleet et son fils Jonathan (encore une gracieuseté du Jabiru)

Jabiru a publié sur son blog une interview de Jonathan Cornbleet, fils de la victime, qui entretenait des liens privilégiés avec son père, âgé de 64 ans au moment de sa mort :
«  J'ai passé une grande partie de ma vie dans son cabinet. J'ai travaillé pour lui presque chaque samedi au cours des dix dernières années et avant cela, je l'aidais pendant les vacances scolaires. J'ai vu comme ses patients l'aimaient. Il les a toujours considéré comme des membres de la famille au sens large, parlant d'eux tout le temps, et en en prenant soin vraiment comme des personnes et non comme juste des consommateurs. (...) 

 Jonathan Cornbleet dans la salle d'audience (photo©FG)


J'ai toujours été fier de la façon dont il exerçait sa profession, il était très attaché à l'éthique, honnête et il a toujours placé ses patients avant tout. Il a fait tout ce qu'il pouvait pour eux, souvent leur faisant cadeau de médicaments et aidant les patients qui rencontraient des difficultés économiques. Il a plus pris soin de leur bien-être que du sien. »4


Reward

Il va falloir du temps pour identifier celui qui a "fait la peau" au dermato. On découvre qu'il a pris rendez-vous auprès du docteur Cornbleet sous un faux nom. Malgré ses précautions pour cacher aux caméras de vidéo-surveillance son visage sous une casquette à large visière, les autorités parviennent à déterminer qu'il s'agit d'un homme blanc de 20, 25 ans, qui s'est lui-même blessé pendant les faits (video des caméras de surveillance : http://www.youtube.com/watch?v=vXGNH_RVHe0&feature=bf_next&list=UL4fP0uObpsLI&lf=mfu_in_order). Une récompense de 25 000 dollars est offerte à quiconque pourra apporter une information susceptible de conduire à l'arrestation du coupable.


 Wanted (toujours une gracieuseté du Jabiru)


C'est l'un des deux colocataires de Hans à New-York, qui va le dénoncer au FBI. Pendant ce temps-là, après un bref séjour au Mexique, Hans Peterson réside donc à St Martin, sur la commune de Marigot sans prendre de précautions particulières pour se cacher. 



(je vous laisse deviner de qui est cette gracieuseté...)

Apprenant que le FBI est à ses trousses, il se livre à des gendarmes français incrédules le 6 août 2007. Il va leur avouer tranquillement le meurtre de Chicago et passer à des aveux circonstanciés. Il sera déféré au centre pénitentiaire de Baie-Mahault, en Guadeloupe, où il restera quatre longues années jusqu'à son procès.


Que s'est-il passé entre le premier rendez-vous chez le docteur Cornbleet en 2002 et le dernier, fatal, en 2006, pour que le gentil « garçon, intelligent, non violent, adolescent tranquille, brillant élève, étudiant diplômé, ayant débuté son activité professionnelle comme trader dans l'activité boursière » tel que le dépeint l'avocat général lui-même, se mue en tueur sadique et sanguinaire ?

A suivre.

FRrédéric Gircour (chien.creole@gmail.com)

1 http://www.dailymotion.com/video/x3ij1u_hans-peterson-vengeance-et-meutre_news#from=embediframe Hans Peterson : vengeance et meurtre, Mathieu Jego, émission 66 minutes (M6)

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