mercredi 8 juin 2011

BUREAU D’ETUDES OUVRIÈRES, POUR LA POPULATION, PAR LA POPULATION


C’était une des revendications importantes du LKP en 2009, les Guadeloupéens viennent de se doter d’un instrument de poids : le Bureau d’Etudes Ouvrières, qui leur permet d’opérer des contrôles des prix par eux-mêmes, dans la grande distribution, de vérifier le respect ou non des engagements pris en 2009, et d’obtenir ainsi un ensemble de données et de statistiques irréfutables pour engager, si besoin est, diverses actions. Murielle Bertille, jeune et dynamique porte-parole du BEO, a gentiment accepté de répondre aux questions de Chien Créole.

Murielle Bertille, porte-parole du BEO, dans les rayons de Leader Price (photo FG)


Chien Créole : Alors Murielle, peux-tu nous dire comment ce sont passées ces premières interventions ?

Murielle Bertille : Et bien, nous avons déjà contrôlé quatre supermarchés. On peut dire que l’accueil a été très correct sur Milenis, Leader Price (la Jaille) et Super U (Grand Camp), en revanche, les volontaires ont été très encadrés par le personnel surveillant de Carrefour Destreland et par le patron lui-même qui était très présent dans les rayons pour vérifier ce que faisaient les bénévoles. C’était assez tendu. La direction a même interdit aux journalistes de rentrer pour prendre des photos pendant que nous relevions les prix. Pourtant un courrier avait été envoyé aux quatre enseignes pour leur annoncer notre venue. Enfin, ça n’a pas empêché les volontaires, à l’aide de leurs plaquettes, de relever les prix des 200 produits qui ont été négociés tout au long de l’année 2009 par le LKP et notamment par Alain Plaisir et Hilarion Bevis-Surprise.

CC : J’imagine qu’il faudra attendre un certain temps avant que vous puissiez dresser un bilan définitif mais peux-tu d’ores et déjà nous faire part de tes premières observations ?

MB : Alors, premier constat, sur Milenis, de nombreux produits ne sont plus en rayon. Le consommateur doit donc se poser des questions : pourquoi ces produits négociés tout au long de l’année 2009 ont-ils disparu, d’autres étant apparus à des prix que nous ne pouvons pas comparer bien sûr avec ceux pratiqués en 2009. Sur Destreland, le constat n’est pas encore probant mais il semblerait qu’on ait une augmentation relativement importante sur certains produits par rapport à l’année 2009. On n’a pas encore discuté entre nous des résultats obtenus sur Super U et Leader Price mais une chose est sûre : de nombreux points du protocole d’accord ne sont pas respectés. Nous avons constaté par exemple, l’absence d’affichage spécifique pour les produits reconnus de première nécessité. Devraient également figurer sur les étiquettes les prix dans l’hexagone et à la sortie du port. Cet affichage n’est respecté par aucune des enseignes que nous avons visitées jusqu’à présent.

CC : Comment les Guadeloupéens pourront-ils connaître les résultats de vos travaux ?

MB : Dans quelques semaines, le BEO sera en mesure de sortir un premier constat sur la région pointoise. Nous le publierons sous forme de journal et y ferons figurer les écarts entre les prix pratiqués ici et dans l’hexagone, ainsi que les variations entre 2009 et 2011, ce qui nous permettra de définir des tendances.

CC : Vous ne craignez pas qu’en annonçant votre venue aux supermarchés, ça puisse donner à certains la tentation de tricher ?

MB : De fait, certains consommateurs nous ont déjà annoncé qu’ils avaient constaté quelques baisses durant les trois dernières semaines du mois de mai, ce qui ne nous étonne pas puisque notre courrier pour annoncer l’arrivée du BEO dans les rayons est parti début mai. Si le constat peut s’en trouver atténué par rapport à notre action, nous ne pouvons que nous en féliciter, il sera certes moins pertinent, mais la population en aura profité ; n’est-ce pas l’objectif du BEO ?


CC : La population, justement, a parfois eu l’impression, après le mouvement des 44 jours, que si les prix des produits de première nécessité semblaient grosso-modo respectés, les augmentations, sur tous les autres produits, étaient reparties de plus belle, comme en 2008. Qu’envisagez-vous de faire par rapport à ça ?

MB : Pour l’instant on se concentre sur les 200 produits de première nécessité, nous manquons pour l’instant de bras pour faire plus, mais quoiqu’il arrive, il est évident que le BEO n’ira pas négocier le prix du saumon fumé Labeyrie ! Et puis, il doit y avoir une prise de conscience de la population guadeloupéenne, sur le fait qu’on peut consommer autrement, par exemple en achetant ses produits frais directement auprès des petits producteurs.

Deux volontaires du BEO en train de relever les prix (photo FG)

CC : Cela dit, il y a tout de même beaucoup de produits d’usage courant qui sans être dans la liste des deux cents produits ne sont pas pour autant des produits de luxe, non ?

MB : 200 produits, ça balaie quasiment tous les rayons du supermarché, ça va du produit d’entretien basic, comme le liquide-vaisselle, au lait pour enfant écrémé et demi-écrémé, et j’en passe. La liste est relativement exhaustive et doit permettre aux consommateurs de s’y retrouver. Encore faut-il que l’étiquetage leur permette de les repérer facilement…

CC : A quelle fréquence envisagez-vous de pratiquer vos contrôles ?

MB : Normalement, nous aurons des relevés bimensuels mais pour ça, il nous faut plus de bénévoles. Si la population comprend l’intérêt de réaliser ce travail et bien il faut très rapidement que les gens intéressés se mettent en contact avec nous [NDLR : voir le lien ci-dessous] et se portent volontaires pour aller relever les prix au moins une fois par mois. C’est en prenant son destin en main que la population pourra agir sur son devenir.

CC : Est-ce qu’en exigeant des supermarchés qu’ils baissent leur prix, on n’a pas le risque que ceux-ci soient tentés de moins payer les petits producteurs qui les fournissent plutôt que de rogner sur leurs confortables marges ?

MB : En fait, il y a très peu de produits locaux concernés par les négociations sur les prix de la grande distribution en 2009. Dans le cadre de ces négociations, le LKP s’est plutôt attaché à combattre les abus sur les produits importés de France. Des produits locaux figurant dans la liste, il y en a seulement 3 ou 4, chez Ecomax… alors la marge des "petits producteurs" n'est pas ici la question. Je ne suis pas certaine que Panzani ait du mal à négocier une belle marge sur les produits destinés à la Guadeloupe !

CC : Dernière question, peux-tu clarifier pour nous la nature des liens que le BEO entretient avec le LKP ?

MB : Très clairement, le BEO, c’est le LKP, il est important que la population le sache. On est en étroite collaboration avec les délégués du Liyannaj avec qui nous avons des réunions chaque lundi pour faire le point sur nos avancées. Qui plus est, le BEO présente un avantage par rapport au LKP en tant que tel : au jour d’aujourd’hui, le gouvernement ne reconnait pas de statut légal au LKP, et avec ce prétexte fallacieux, se permet de l’ignorer ; il ne peut en revanche ignorer le BEO, puisque celui-ci est publié au journal officiel.

CC : Et bien merci beaucoup, tu veux ajouter quelque chose ?

MB : Il n’est pas normal que nous soyons obligés de nous substituer à l’Etat, car c’est à lui normalement qu’incombent ces contrôles ; ça devrait amener la population à s’interroger sur le rôle que joue l’Etat en Guadeloupe. Négocier le prix d'une voiture, d'un appareil photo, d'un paréo, ok, ça n’aurait rien d’anormal mais être obligé de lutter pour exiger une transparence et par conséquent une baisse des prix des produits alimentaires, c’est tout simplement une honte ! En tous cas, il est important de souligner la bonne volonté et le dévouement des bénévoles pour cette cause.


Frédéric Gircour (chien.creole@gmail.com)

Si vous souhaitez participer à cette aventure, contactez le BEO à l’adresse suivante bureau.etudes.ouvrieres@gmail.com

Lire aussi la réponse du BEO au communiqué de la préfecture tentant de justifier son action sur la question, ça se passe sur CCN :

http://www.caraibcreolenews.com/template.php?at=3367

1 commentaires:

Anonymous Le visiteur a dit...

c'est digne de lutter pour ne pas devenir un peuple de voleurs et de pillards.
Il me semble que cela reflète assez bien le tempérament des Guadeloupéens qui n'accepteraient pas qu'on coupe leur rhum avec de l'eau au restaurant, ni qu'on leur serve un ridicule petit morceau de vivaneau dans leur assiette.
En plus de ça, il faut bien le dire, les Guadeloupéens sont très propres.
Jamais ils ne prennent un bain de mer sans aller ensuite à la rivière.
Donc, c''est pas pour rien qu'on dit l'île aux belles eaux.

11 juin 2011 à 05:06  

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